La Compagnie

“ Avec ses personnages intensément muets ou bavards, Samuel Beckett est le point d’ancrage de cette nouvelle aventure. « Nés sur une tombe » dit Beckett avec un clin d’œil malicieux. Un premier spectacle autour des ces courtes pièces me donne l’envie de poursuivre avec le surréaliste René Crevel pour retrouver le chatoiement des mots, une certaine préciosité aussi, un imaginaire très débridé qui côtoie la légèreté. 

Suivra l’association anachronique de deux auteurs, l’un classique, l’autre contemporain. Réunir Yvan Tourgueniev et Serge Valletti pour les confronter dans l’imaginaire de la fable.  Les héros de Tourgueniev étouffent sous le masque, celui de Valletti souffre de ne pas en porter…

On ne badine pas avec l’amour d’Alfred de Musset me fait retrouver le chemin de la fable au-delà de l’aventure des mots ; une véritable intrigue avec un commencement et une fin. Cela m’emmène jusqu’à Brecht et son théâtre épique ou la dimension collective est essentielle et puissante. Naîtra naturellement le projet « Du commerce amoureux au négoce du désir » réunissant trois auteurs et une même équipe. À des époques différentes Marivaux, Paul Claudel et José Pliya montrent que les sentiments humains sont souvent négociés comme une marchandise. La Ronde de Schnitzler, puis Rose, la nuit australienne viennent clore ce cycle quand le désir exprimé conduit au passage à l’acte et génère son cortège de dommages collatéraux.

L’écriture d’une chronique sur l’enfance, celle d’une petite fille vivant à la ferme et qui rêve d’autres horizons est l’occasion pour moi de revenir sur le devant de la scène.  La femme aux bulots est une autofiction poétique, drolatique et jardinière évoquant ce passage à la mécanisation en y mêlant le présent. 

Cette expérience du « seule en scène » se poursuit avec la création de Oh les beaux Jours de Samuel Beckett ; la boucle est bouclée, temporairement. ”
Annie Pican